c'est môa*

Un film-ballet en animation,
avec deux comédiens et deux marionnettes

*d'après un graffiti près de la Gare St Lazare.


Synopsis
Ce film est une chorégraphie en animation, sur le thème de la quête du pouvoir. S'inspirant librement de la figure emblématique (manipulateur – manipulé) du théâtre de marionnettes japonais Bunraku, le film décline le jeu de la quête du pouvoir dans ses variations, ses ambiguïtés, ses contradictions. L'action se partage entre deux comédiens et deux marionnettes, dans un univers où le duel est mode de vie, quand il ne devient pas raison d'être.

Note sur le film 
Il y a peu de films d'animation conçus comme un ballet. Il y a de grands courants esthétiques du mouvement comme l'animation minimaliste, l'animation naturaliste, l'animation élastique, etc. mais bien que l'animation soit de "l'expression par le mouvement", le cinéma d'animation s'est peu approché de la danse.
Du côté du théâtre, on constate à plusieurs reprises, une fascination exercée par la marionnette: Kleist voyait l'idéal de l'acteur dans la marionnette, Meyerhold cherchait l'essentiel de l'expression de son théâtre dans un mouvement "mécanisé" (la Biomécanique), Etienne Decroux cherchait la stylisation idéale de la marionnette dans sa conception de l'expression corporelle…
”C'est Môa” se positionne entre le cinéma et la danse. Il s'agit d'un film qui confronte deux comédiens et deux marionnettes. Le jeu est conçu comme une chorégraphie, comme du théâtre dansé.
À partir de la figure emblématique du théâtre de marionnettes (manipulateur – manipulé), nous essayons de décliner le jeu du pouvoir. Tout en jouant avec des symboliques établies, nous essayons de contredire les évidences : Le manipulateur n'est pas forcément celui qui semble l'être à première vue…
C'est le jeu des marionnettes et des acteurs, qui se charge de cette mise en question du stéréotype, cette remise à plat des évidences.

La structure du film suit une logique poétique plutôt que prosaïque. Les matériaux sont organisés suivant les principes de la composition musicale, où une idée dominante est explorée à l'aide de thèmes antagonistes, de variations et de contrepoints.
Les scènes ne sont pas toujours liées "de cause à effet" mais par des associations d'idées et des analogies.

Concernant le jeu : Entre le jeu des comédiens et celui des marionnettes, il y a une différence fondamentale: Quand le corps d'un acteur adopte la géométrie dans ses postures et la stylisation dans son mouvement, ceci témoigne inévitablement d'un conflit, entre la nature vivante et la stylisation.
Dans la marionnette, ce conflit n'existe pas. Une stylisation similaire risquerait de se réduire à une calligraphie gratuite.
Pour compenser cette absence, nous avons adopté principalement un jeu psychologique pour les marionnettes. Chaque mouvement devrait témoigner du sentiment qui est à son origine. Chaque geste devrait évoquer une personnalité identifiable.

Pour les comédiens, le problème se pose différemment: nous avons essayé de les rapprocher des marionnettes, par la neutralité de leur apparence, (costume blanc, maquillage blanc sur le visage…) mais également par l'utilisation de la pixillation (des prises de vues image – image) ce qui annule la fluidité du mouvement naturaliste.
Le jeu donc des comédiens est un jeu stylisé, en opposition à celui des marionnettes qui est davantage naturaliste et psychologique. Cette différence sert à équilibrer la présence humaine des comédiens à celle d'artefact des marionnettes.

Le jeu se développe entre marionnettes, entre acteurs et marionnettes, et entre acteurs eux-mêmes.
Nous avons deux échelles simultanément : le plan d'ensemble des marionnettes qui s'expriment par la gestuelle et les mouvements du corps, et le plan rapproché sur le buste et le visage des comédiens qui ajoutent - quand cela est nécessaire - de l'expression par le visage et le haut du corps.

Dans ce film, le même rôle est joué par tous les personnages - les deux comédiens et les deux marionnettes. Les marionnettes sont volontairement identiques d'apparence. Les deux comédiens sont identifiables, mais de leur jeu, on perçoit qu'il s'agit de déclinaisons du même rôle.

À la différence du mouvement naturel, la technique d'animation introduit une grande densité dans le mouvement.
Appliquée à des marionnettes, l'animation permet une gamme de mouvements très étendue: d'un mouvement naturaliste (comme on l'utilise dans certains films de science fiction, par exemple E.T), aux mouvements stylisés de différentes manières.
Appliquée à des êtres vivants, l'animation permet un mouvement relativement naturaliste et davantage un mouvement stylisé. Cette application, aux êtres vivants dit pixillation, est peu connue. (Nous pouvons citer comme exemples des films de Norman McLaren "Voisins"," Narcisse "etc.) Dans la pixillation il y a souvent un effet de vibration, et parfois on peut introduire des mouvements impossibles à créer autrement: En filmant par exemple image par image un acteur qui saute, on peut composer un mouvement de l'acteur qui se déplace en "volant".


Note sur la méthode de travail
Nous avons commencé par collecter des idées, sur des notes cumulées depuis longtemps. Les thèmes choisis proviennent de ce matériau hétéroclite. Nous avons continué par des séances d'improvisation avec les comédiens, Ulrike et Robert Bennett autour de ces thèmes. Ces improvisations ont été filmées et ensuite triées pour retenir les meilleurs moments. De cinq heures de ”notes”, nous avons gardé une dizaine de minutes. Ce matériau a été retravaillé image – image, parfois enlevant une sur deux, parfois en retenant une composition caractéristique sur quelques secondes. D'autres fois encore, nous avons délibérément choisi et combiné des instantanés empruntés dans le désordre.
Ce matériau a servi de guide, au travail d'animation des marionnettes aussi bien que des comédiens.

Les improvisations ont tenu compte du fait que la marionnette est capable d'exécuter de mouvements impossibles pour un danseur (des sauts périlleux, des contorsions etc.)
D'autres moments nous nous sommes inspirés de documents filmés de toutes sortes : des documentaires animaliers aux films de combats de karaté. Dans ces cas, la chorégraphie est travaillée d'abord sur papier avec des esquisses de mouvements ...
La totalité des actions du film a été ensuite photographiée image par image, avec deux appareils photo devant un fond vert. Les décors et les ombres ont été ajoutés dans un deuxième temps par ordinateur.
La totalité des images, celles des comédiens et celles des marionnettes, ont été retravaillées dans un logiciel de line-test pour obtenir le bon tempo. Nous avons structuré les mouvements en nous appuyant sur des subdivisions de durées calculées d'avance. La musique, pour des raisons indépendantes de notre choix, a été ajoutée après la fin du film et elle s'est appuyée sur cette trame.

Les marionnettes ont des dimensions plus grandes que d'habitude, 50 cm, afin d'éviter les "rondeurs" des articulations et assurer une grande souplesse. Bien que, dans le tournage, nous avons utilisé des supports pour les tenir, elles ont été construites de sorte qu'elles puissent tenir en équilibre même sans fixation (Photo si dessous).

squelette   marionnette   deux marionnettes


Images des improvisations des comédiens
Ulrike KOENNECKE-BENNETT et Robert BENNETT

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